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Pierrot au pays des Marahajas

14 novembre 2006

Du 25 Octobre au 3 Novembre : voyage a Darjeeling

Du 25 Octobre au 3 Novembre : voyage a Darjeeling (West Bengal)

Premiere Partie :   Indore-New jalpaiguri ( 1700 km) et le charme de la General Class.

Tout a commence par un long et fatiguant voyage en train d’ environ 45 heures en « general class » . La general class, la plus spartiate dans la hierarchie des classes , est reserve aux plus pauvres et a tous ceux qui comme moi reservent trop tard leur billet. On y trouve donc de temps en temps  des etudiants distraits ou des chefs d entreprises aussi ravis et resignes que moi assis sur un coin de latte de bois et attendant patiemment que la nuit passe. Un voyage en general class est souvent une aventure Une aventure d abord pour se trouver une place dans un wagon ou le double voire le  triple du nombre de passagers prevu s’entasse pele mele. Les premiers arrives s installent plus confortablement que les autres, s allongent sur les lattes de bois, recroquevilles dans un  tissu douteux.Les autres s assoient partout ou ils le peuvent ou s allongent par terre. La seule maniere de respirer pour moi est de minstaller sur les portes bagages perche a 1m80 au dessus du sol et qui sont juste assez fins pour y faire tenir un homme de corpulence moyenne.IMAG1107 Il suffit de pousser quelques bagages et de se s accrocher un peu pour eviter la chute ! L’atmosphere du wagon devient vite moite et lourde d un melange d odeurs des plus fangeuses, a commencer par celle des toilettes insalubres dont la porte cassee claque a chaque tournant en laissant s echapper une acre vapeur d urine.Puis, tres vite, il faut supporter celle de son voisin qui commence inevitablement a suer et qui a un moment donne sortira d un papier journal un chapati graisseux recouvert d une epaisse sauce massala. Mais ce compartiment vit surtout par toutes les personnes qui le traversent en quete de maigres benefices : les nombreux   vendeurs de tchae criant le meme refrain : « Thae, tchae, coffee, Tchae ! » et vous vendant un tasse en terre remplie pour 3 roupies ( 5 centimes d’euros).  Puis defilent les vendeurs de bananes, de cacahuetes, de plats chauds servies dans des feuilles de betels qui ajoutent a l’odeur ambiante une epaisseur rendant l air parfois un peu suffocant. Malgre le bruit, l’agitation de ce petit village migrant, la fatigue me gagne et c est sur ces lattes inconfortables, en regardant du haut de mon porte bagages ce spectacle indescriptible que je ferme les yeux. Et m endort. Dans la nuit, une main me saisit soudain le bras. Je sursaute avant de me pencher pour voir qui s agrippe ainsi a moi. C est un eunuque habille en sari me demandant d un air nonchalant et malicieux quelques roupies. Je l envoie mendier ailleurs en grommelant quelques mots en francais. Je me rendors jusqu au petit matin.Vers 6h, je suis reveille par le bruit etourdissant de gens montant et descendant du wagon, par la valse de nouveaux vendeurs de Tchae et l arrivee inedite d’ un groupe de musique traditionelle brandissant un panier d ou un cobra ensommeille se refuse de sortir. Le wagon est arrete a une gare.Je descends, tout courbature , de mon perchoir et pousse un indien pour m amenager une place, le soleil penetre a travers les barreaux des fenetres et remplit le wagon d une lumiere poussiereuse et grise, c est a ce moment precis que l on a envie de descendre du train et de prendre un taxi. Le sol est jonche de detritus, de cacahuetes, et d une mince pellicule de boue noiratre. Les gens sont sales, peu liants et assez indifferents a la prestation des pauvres musiciens. Je sors du compartiment et me dirige vers les toilettes. IMAG1580Je tombe devant le spectacle le plus desolant de ce debut de voyage : une cosette d a peine 10 ans , gisant sur le sol immonde de l’ inter-wagon, refugiee dans un reve ,  dort a meme le sol, en plein milieu du flux de coolies remplissants le petit espace  qu elle s etait trouve   en un veritable entrepot de sacs de farine. J’en oublie d aller aux toilettes et descend du train, degoute, pour m’ acheter un paquet de gateau et un lassi frais. Petit dejeuner reconfortant. Le train commence a partir, je remonte dedans, la cosette avait disparue et avait ete remplacee par un vieux sadou IMAG1108en dhoti. Je m assoie sur les marches au pied de la porte metallique, soulage de respirer un peu d air frais. Je rencontre un indien qui me fait essayer un tabac a chiquer aux epices appele « pan «  en Inde. Ce tabac est a l’origine d’un passe temps national : le crachat. Les indiens ne peuvent tout betement pas s empecher de cracher.

Nous sommes dans le Bihar ( renseignements interessants sur le Bihar :www.canalblog.com/cf/my/?nav=blog.manage&bid=196375&pid=3166286). Le train traverse une grande plaine d un vert vif comme  si le tapis de verdure qui la recouvrait venait de naitre. On y trouve des palmiers, des banabiers, des lotus dans les rizieres abandonnees. Le train file le long des lames etincelantes et trace sur cette etendue muette et presque desertique un grand sillon de fumee noire. La locomotive est un moteur diesel, comme la plupart des trains en Inde. Le long de la voie, des petites scenes accrochant le regard  defilent : un homme tenant en  laisse un buffle, accroupi sous un grand parapluie noir, regardant patiemment le train passer, des femmes en saris portant sur leur tete d enormes panier remplies d herbes. Malgre cela, le paysage reste monotone, le voyage tellement interminable qu ‘on n’ en oublie la destination. Je me lasse du spectacle et me plonge dans un bouquin puis vais me trouver une place pour dormir un peu. Je suis parti un mercredi apres midi de Indore, nous sommes maintenant vendredi apres midi, la vitesse moyenne du train est de 25km a l’heure, mieux vaut de pas y penser et fermer les yeux. Je m endors. A mon reveil, vers 17h30, je me penche vers la fenetre qui bizarement n avait pas de barreaux. Devant mes yeux mis clos s etend soudain la plus belle surprise qui puisse  m etre offerte a cet instant. La fin de la plaine ! cette immense plaine que je venais de traverser dans toute sa largeur se finissait a l’horizon ! Et c est vrai que je me suis d abord rejouit de voir la fin de cette plaine avant de me rendre compte que c etait le debut de l’ Himalaya. Entre les nuages bas et l’horizon apparaissaient les versants enneiges des plus hauts sommets du monde, legerement teintes par un soleil deja evanoui.

Arrivee vers 18h a New Jalpaiguri, point de depart des jeeps pour Darjeeling.

Je me trouve un place dans une jeep ou une famille de Bengalis en vacances s etaient deja installee. 2h30 de routes sinueuses qui auront eu raison des pauvres bengalis qui ont passe tout le voyage a vomir par dessus bord tout ce qu il avait pu grignoter dans le Darjeeling Mail ( train Calcutta-New Jalpaiguri).

Deuxieme partie : Darjeeling

Arrivee a Darjeeling a 21heures, dans la nuit.

Difficile de s imaginer ce qu est le plaisir de se retrouver dans la fraicheur de l air montagnard, a 2134m d altitude  apres trois mois dans la plaine aride du centre de l Inde et la trepidance des villes surpeuplees. Le soir, j ai pris une minuscule chambre tout en lambris dans une ancienne maison coloniale, je me serais cru au fond de mon lit a Fougeres..emouvant. Lever 5h du matin le lendemain pour voir la nature se reveiller sur les versants verdoyants du Sikkim et du Nepal et voir le soleil surgir comme une explosion derriere les sommets blancs. Au lever du jour, emmitoufle dans une gros pull de laine, je me suis assis sur un banc pour respirer a plein poumons l air et sentir les  rayons puissants du soleil levant me rechauffer la poitrine, puis boire un the et entendre la ville se reveiller dans un murmure tamise, comme mis en sourdine par le froid et l espace. IMAG2153

Apres ces quelques moments exquis, je me suis decide a marche le long d une grande piste contournant un col: c est une route bordee de monasteres bouddhiques ou passe un train vieux de plus d un siecle qui servait a l epoque a transporter la petite elite administrative de Calcutta vers son lieu de vilegiature.Apres ces 16 km de marche, je suis alle me rechauffer dans un restaurant tibetain servant de delicieux momos, specialite locale avant d aller me coucher.

J avais l intention d aller dans le Sikkim. Malheureusement, le bureau des visas etait ferme le samedi et le dimanche. ( Grande frustration dont j ai tire beaucoup de motivation pour ce qui suivra les jours suivants)

Troisieme partie : le trek

Lendemain, lever a 5 heures du matin. Pas de Sikkim. Je decide donc de partir en Jeep a Maneybhanjang, depart d un trek a 35km de Darjeeling. 3 heures de Jeep. Je realise que le trek est trop long pour le temps qu il me reste. On me conseille de repartir a Darjeeling. Enerve, je decide de persister et trouve une place dans une jeep de ravitaillement en petrole pour prendre de l avance sur la route du trek. 3 heures de jeep sur des chemins « montants, sablonneux, malaises » le long d une magnifique crete. Arrivee a Tonglu. Je commence a marcher. Je traverse le Sigelila National Park, passant par des forets de bambous ( ou logent quelques pandas) et de Rhododendrons ou l on apercoit quelques lemuriens courant de branche en branche. Certaines photos de l’album « beautiful Darjeeling » ont ete prises sur cette route. IMAG2216 D ailleurs, pour avoir acces a l’album entier, cliquez sur ce lien : http://picasaweb.google.com/pierrot.allain

C est pendant cette marche que j ai vite realise que je n etais pas vraiment equipe pour ce genre  d’escapade. Ce chemin partait d’un peu plus de 2000m pour arriver a 3600m. Vers 16h30, l air a commence a se rafraichir de maniere inquietante, alors que j approchais des 3200 metres. Les derniers kilometres ont ete particulierement durs tant l ‘air se glacait. IMAG2264Je suis finalement arrive a 17h 30 pour le coucher du soleil, les doigts exangues,les pieds glaces dans le village  a Sandakpu. Quelques refuges sommaires sur ce sommet, repute pour ces vues extraordinaires sur l Everest, le Kanchandzonga et le Kumbakarna. Mais pour moi, le temps que je trouve un pull de laine, la nuit etait deja tombee.

Nuit horrible dans un refuge glacial, avec comme seul equipement mon joli sac a viande de coton au motifs de petits chats imprimes dessus. Autant dire que je ne faisais pas le poids compare aux autres trekkeurs anglo-saxons qui s etait au moins achete toutes la gamme de produits North Face avant de prendre l’ avion pour Darjeeling. Le bucket des toilettes  etait recouvert d’un fine epaisseur de glace. Rien de tres rassurant... ! Le matin, reveil a 5 heures , glace de la tete jusqu au pieds (J’avais pourtant dormi habille et chausse sous 5 blankets), je sors avec une Anglaise rencontree la veille pour assister au lever du soleil. L un des spectacles les plus saisissants de ma vie m’attendait ce matin la. IMAG2286

Plus tard, je decouvre que le refuge rassemble une equipe intrenationale participant a une competition de haut niveau appelee «  Himalayan Trek 100 miles ». Me rappelant la frustration de l avant veille, et appele par la beaute de ces paysages, je decide de les suivre dans leur defi. Au programme de la journee, 32km  en courant, a 3600m d’ altitude. A 7h30, apres un petit dejeuner leger, je m elance derriere eux. Parcours epuisant a base de montees et de descentes. Je ne quitte pas l Everest des yeux.  De retour a Sandakpu vers 12h30, je devore un porridge chaud et me couche. Reveil a 18h. Moment tres agreable avec quelques British autour d un rechaud a boire du lait et de thes brulants.

Je m inquiete deja pour la journee du lendemain. Au programme, un marathon de 42km dans la montagne. Lever 5h: je grimpe sur la colline d ou l on a une magnifique vue sur l Everest.IMAG2275 Depart : 6h30. Je demande au cuisinier de me preparer un casse croute  a base de pommes de terre et de pain nepalais. En revanche, un probleme se pose pour l‘eau. Car je dois cette fois ci deja porter mon sac de 6kg ( merci le lonely planet, kipling, Baudelaire  et dominique Lapierre pour votre contribution en terme de poids) et je nai pas de place pour des bouteilles. L idee lumineuse surgira du cerveau d un anglais qui me donna quelques gouttes de purificateur d eau pour que je puisse avec une bouteille d eau vide boire l ‘eau a la source sur cette route qui suivait le cours d’une riviere ! Je m elance donc, rassure, le sac sur le dos, pour mon premier marathon. Journee tres difficile autant dans les montees que dans les descentes.Je rentre a plusieurs reprises au Nepal car le chemin est a la frontiere des deux paysIMAG2210

Les 10 derniers kilometres sont une veritable epreuve d’autant plus que le paysage invitent davantage a la meditation qu a la performance sportive. Plongee dans une foret de bambous geants ( d environ 10 metres de longs) et d’immenses fougeres ( jusqu a 2 metres de long), je descends progressivement dans une vallee creusee par un impetueux torrent gonflee par les pluies de la mousson le long du quel se sont construits quelques villages nepalais pauvres ou l on cultive un peu de the, de cardamone et de racines de gingmebre. On se croirait en Chine. Les petites habitations colorees sont fleuries de magnifiaues azalees de toute les couleurs, entretenues avec soin. Sur le chemin, sinueux, l on rencontre des chevaux et des porteurs, une sangle au front, acheminant de la nourriture dans les villages les plus recules. C est un endroit paradisiaque ou les gens, malgre leur grande pauvrete, paraissent heureux. ( ce qu on ne peut pas dire a la vue de la pauvrete urbaine du reste de l’Inde)

J arrive a Rimbick en debut d apres midi. Je n arrive meme plus a mettre une jambe devant l  autre. J encaisse douloureusement les 100km a pied effectues ces  quatre derniers jours. Je m ecroule sur la pelouse d un hotel en la compagnie des participants a la competition et dort quelques heures. Repos toute la journee dans un petit hotel familial ou il fait bon vivre. Delicieux momos a la viande de yachts et lait chaud. Le lendemain ( mercredi), je dois me rendre a Darjeeling pour prendre un bus car un train m attend a New Jalpaiguri a 22h30 pour Calcutta. Je dejeune avec Babs, cette anglaise que j avais rencontrer en haut de la montagne et descends avec elle en jeep. Crevaison sur la route ( chose assez courante) mais arrive a l heure pour mon train. La mauvaise nouvelle est que je dois renouveler l experience en general class, la sleeper class etant deja complete. Apres ces delicieux jours passes seul a marcher dans les montagnes peuplees de quelques chaleureux moines tibetains, le choc est particulierement violent. Nuit horrible passee assis, les jambes enflees de fatigue, dans un miserable compartiment au sol rougi par les crachats de betel, forcement bonde, forcement sale, entoure de gens au visage noirci par la misere, les yeux creuses, le regard brut et immobile, des vetements paraissant etrangement tous gris, des femmes rustres, cheveux ebouriffes. La compagnie d’un etudiant, docteur en biologie moleculaire me console un peu.

Quatrieme partie : Kolkata

Arrivee a Calcutta a 6 heures du matin. Premier tableau saisissant et conforme a l’idee que l’ on a de la cite de la joie. calcutta2( photo empruntee) Une ville trop peuplee, trop polluee, trop fourmillante, mais splendide ! La chaleur est moite, je prends un vieux bus de bois empruntant le gigantesque Howra Bridge pour me rendre a une autre gare afin de mettre mes bagages en consigne. Une inscription ne me rassure pas tellement : « beware of rates. Don’t keep any food in your luggage »

J’ ai une journee pour visiter cette fascinante Calcutta,Calcutta la Rouge, capitale culturelle de l’Inde.  Mon train pour Indore est a 19h.  Je saute dans une ferry pour revenir sur l autre rive, la ou tout ce qui est digne d interet est concentre. Je visite New Market, l’Indian museum,ou je tombe sous le charme des peintures de Rabindranath Tagore. Je visite le fort William, construit en 1699, neuf ansapres que Job Charnock  fonde un comptoir pour la Compagnie des Indes Orientales. je me promene, grabataire, dans l’ immense parc qui s etend devant le grandiose Victoria Memorial. Ce parc, imitation de st james ou de hyde park, est neglige. La pelouse est haute et des moutons y broutent. IMAG2334C est aussi un refuge pour quelques mendiants qui y dorment. Ce parc a quelque chose de nostalgique et de devaste, on a envie d’y imaginer quelque couple british, bras dessus bras dessous, elle sous une ombrelle, lui appuye sur une canne a la crosse sculptee dans une  defense d’elephant. Cela fait un siecle que les Anglais  ont perdu le controle de cette ville qu il n ont jamais vraiment reussie a controler , depuis le transfert de la capitale a NewDehli en 1912. Mais quelques signes evocateurs invitent a rever de cette Inde britannique, une maison de brique, au toit de chaume delabre, quelques sculptures antiques qui surpennent le passant au detour d’un sentier. Mais au loin, des indiens jouent  au cricket. A gauche, une immense tour, surmontee de quatre grandes lettres lumineuses : « TATA ».Et tout autour un chaos de taxis, de ricksaws  de pousse pousse et de bus bondes. Le charme suranne  des vestiges de l epoque anglaise se mele avec magie au charme de l’Inde actuelle. Je me balade dans les rues bordes des grandes facades victoriennes IMAG2343en direction des ghats. J achete chez un bouquiniste une belle edition des oeuvres de Tagore et me mele aux masses grouillantes de cette cite de 17millions d ames ( 2eme ville  d’Inde ) gonflee par l afflux sucessif de populations suite a la partition. Je m arrete visiter St John’s  Church. Le voyage reserve des surprises, mon choc spirituel n aura pas eu lieu a Benares mais dans cette eglise.

Derniere traversee et derniere image de Calcutta, avant de prendre mon train.

IMAG2362

Je me promets de consacrer un jour davantage de temps a cette cite fascinante.

Et pour finir, voici un poeme deBaudelaire  qui ne peut pas mieux decrire certains aspects misereux des sihouettes inquietantes que l on peut rencontrer ici comme ailleurs a travers l Inde, destination que Baudelaire avait prevu d atteindre si une mauvaise tempete ne l avait pas arreter sur l’ile de la Reunion.

Les sept vieillards :

Fourmillante cité, cité pleine de rêves,
Où le spectre en plein jour raccroche le passant !
Les mystères partout coulent comme des sèves
Dans les canaux étroits du colosse puissant.

Un matin, cependant que dans la triste rue
Les maisons, dont la brume allongeait la hauteur,
Simulaient les deux quais d'une rivière accrue,
Et que, décor semblable à l'âme de l'acteur,

Un brouillard sale et jaune inondait tout l'espace,
Je suivais, roidissant mes nerfs comme un héros
Et discutant avec mon âme déjà lasse,
Le faubourg secoué par les lourds tombereaux.

Tout à coup, un vieillard dont les guenilles jaunes
Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux,
Et dont l'aspect aurait fait pleuvoir les aumônes,
Sans la méchanceté qui luisait dans ses yeux,

M'apparut. On eût dit sa prunelle trempée
Dans le fiel ; son regard aiguisait les frimas,
Et sa barbe à longs poils, roide comme une épée,
Se projetait, pareille à celle de judas.

Il n'était pas voûté, mais cassé, son échine
Faisant avec sa jambe un parfait angle droit,
Si bien que son bâton, parachevant sa mine,
Lui donnait la tournure et le pas maladroit

D'un quadrupède infirme ou d'un juif à trois pattes.
Dans la neige et la boue il allait s'empêtrant,
Comme s'il écrasait des morts sous ses savates,
Hostile à l'univers plutôt qu'indifférent.

Son pareil le suivait : barbe, oeil, dos, bâton, loques,
Nul trait ne distinguait, du même enfer venu,
Ce jumeau centenaire, et ces spectres baroques
Marchaient du même pas vers un but inconnu.

A quel complot infâme étais-je donc en butte,
Ou quel méchant hasard ainsi m'humiliait ?
Car je comptai sept fois, de minute en minute,
Ce sinistre vieillard qui se multipliait !

Que celui-là qui rit de mon inquiétude,
Et qui n'est pas saisi d'un frisson fraternel,
Songe bien que malgré tant de décrépitude
Ces sept monstres hideux avaient l'air éternel !

Aurais-je, sans mourir, contemplé le huitième.
Sosie inexorable, ironique et fatal,
Dégoûtant Phénix, fils et père de lui-même ?
- Mais je tournai le dos au cortège infernal.

Exaspéré comme un ivrogne qui voit double,
Je rentrai, je fermai ma porte, épouvanté,
Malade et morfondu, l'esprit fiévreux et trouble
Blessé par le mystère et par l'absurdité !

Vainement ma raison voulait prendre la barre ;
La tempête en jouant déroutait ses efforts,
Et mon âme dansait, dansait, vieille gabarre
Sans mâts, sur une mer monstrueuse et sans bords !

Le voyage se termine par une trentaine d heures de train dans une confortable Sleeper Class ou enfin, je me repose.

Arrivee le samedi matin a Indore, vers 6h30 du matin.

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13 octobre 2006

Bienvenue a l'IIM !

Je me trouve  a 15km d'Indore, dans la belle province du Madhya Pradesh.

inde_carte_copy

Laissez moi avant tout vous mener a travers les chemins et les couloirs de l’IIM...

L’IIM est bâti sur toute une colline qui surmonte une grande plaine au teint vert pale.

Les bâtiments sont organises en cercle autour d’une grande pelouse ou  des cobras viendraient de temps en temps se prélasser...

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Cette colline inspiree, avec ses grands batiments dont l'agencement circulaire semble repondre a la course des astres, ressemble parfois, de maniere frappante, a Stonehedge.Surtout pendant la mousson....

13 octobre 2006

Pierrot au pays des maharajas...ce titre (très

Pierrot au pays des maharajas...ce titre (très bien choisi, n est ce pas?), aurait pu être celui d'un légendaire album de Tintin.
En y réfléchissant, il est frustrant de penser qu'Herge n'ait pas rêve, un jour, de tisser une intrigue au pays ou pourtant tous les éléments d'un bonne aventure étaient a son époque, réunis: d'un cote, de grands palais de marbre, couverts d'or et de lumière, des maharajas opulents aux mille extravagances, avides de femmes de combats d’ éléphants,de chasse au tigre, collectionnant Rolls Royce, émeraudes et saphirs. De l'autre, une petite société guindee de clubs anglais, mondains et enfumes par les cigares , remplis de business men mêles aux affaires financières les plus sombres du royaume (autorisant Tintin a s'offrir quelques craquants petits allers-retours en paquebot entre la Perfide Albion et les bazars de Bombay!) Tout cela enivre par les décors de rues poussiéreuses, empruntes au conte d'Alladin, ou se croisent des silhouettes mystérieuses, d’ improbables palanquins, des visages voiles, des ascetes, des fakirs, des estropies lepreux, des pouces pouces, des rickshaws disparaissant a chaque coin de rue derrière une ribambelle d enfants aux pieds nus, des charmeurs de serpent plus ou moins espions, des portes de temples plus ou moins truquées, des vendeurs de papaye et de perroquets au regard oblique, des épices pour Haddock, et pour Tournesol, des archives de savants Moghols ! Enfin, 400 millions de figurants soumis a l’Empire, tous semblables dans leur misère, grouillant dans tout le pays comme des rats, brouillant la filature ! Tout était la, bon sang, pour voir naître la plus belle des aventures tintinesques , pour vanter de manière bien plus volubile que Tintin au Congo, les mérites du colonialisme !
L album, en plus d être un succès, aurait nourri la nostalgie et l’imaginaire déjà bien riche d’un Occident déçu par la perte du Joyau impérial !

13 octobre 2006

Bienvenue sur ce blog! J espere pouvoir vous

IMAG1359Bienvenue sur ce blog! J espere pouvoir vous decrire le plus regulierement possible les grandes lignes de mon sejour en Inde. J'espere aussi pouvoir vous faire entrapercevoir quelques nuances de l'Inde, parmi l'infinite qui donne a ce pays un inneffable charme.

13 octobre 2006

Bunch of geeks

Bunch of geeks...

Laissez moi maintenant vous présenter mon point d’ancrage, l’IIM Indore! L’Indian Institute of Management d’Indore, l’une des institutions de management apparemment les plus prestigieuses du pays. Elle fait partie des six IIM fondés par le gouvernement ( avec celle d’Ahmedabad , la première, de Bangalore, de Calcutta, de Lucknow, de Kozhikode). Ces instituts offrent des programmes MBA, formant chaque année 1300 élèves sur un total de 250 000 candidats !Soit, une probabilité d’ intégrer de 0,0052 ! Autant dire qu il vaut mieux passer son concours en France et venir leur rendre visite un peu plus tard ! Et pour les oisifs, mieux vaut ne pas s’y attarder trop longtemps, car le travail, contrairement aux écoles françaises, n’est ici pas une option. L’indien est travailleur, nocturne quand il faut, c’est a dire tout le temps et pour les dissidents d’un jour, un système d’amendes a été consciencieusement mis en place par le PGP Office, en cas d’absentéisme expérimental.
La plupart des étudiants sont diplômes des plus grandes écoles d ingénieurs du pays et rejoignent l’IIM pour pouvoir, en passant ( pourquoi s’en priver ?), rafler les postes de management aux commerciaux purs ! Nous avons donc bien a faire ici a l’homo sub-continentalus cortexus dont parlent anxieusement les revues économiques françaises, a cet indien féru de programmation informatique que s arrachent déjà toutes les firmes multinationales ! Pour s’en persuader, il suffit de déambuler dans les couloirs de ma residence.Choisissez une heure convenable a la démonstration, par exemple, 4h30 du matin, et glisser furtivement un oeil dans l embrasure d’une porte choisie aléatoirement. Vous verrez, soit, un indien affale sur son lit, tout habille, sandales au pied, en train de faire une petite sieste hygiénique a la lumière de sa lampe, un bouquin de finance quantitative sur le ventre, soit ce qui plus répandu , un indien,un casque sur la tête, les yeux rives a son écran de PC, plonge dans un débat houleux en ligne (avec ses amis) sur l impact de la méthode LI FO sur la valorisation d’un actif financier dans un contexte inflationniste.
Bref, l’ambiance est studieuse ! Mais il serait injurieux de s’arrêter a une telle description des indiens de l’IIM car avant d’être un « bunch de geeks » , ils sont avant tout des indiens affables, venant des quatre coins du pays avec leur particularismes, leur langues, leur religion et leur sens commun de l’accueil. Mais nous y reviendrons plus tard !

Vous aurez remarquez que je ne parle que d’indiens....mais ou sont les indiennes ?!!
C ‘est la première surprise que l on a quand on rentre a l’IIM : l’indienne y est inexistante ! Statistiquement, il y a 10% de femmes ( ie, 30 au total) sur le campus ( le taux chute si l on compte le personnel), mais derrière ce chiffre, se cache une réalité encore plus effroyable : les indiennes sont conservatrices et...mises en conserve. En effet, un block résidentiel leur est réserve, dument surveille par des gardes, postes comme des sentinelles dans des petits pavillons de bambous. L accès y est interdit aux hommes.

Conclusion : on comprend mieux pourquoi le Times of India consacre autant de pages aux annonces matrimoniales du type :

“172CM, 30 YRS HINDOU, CASTE: KSHATRIYA , CONSULTANT, SINGAPORE. SALARY IS IN 5 FIGURE. WELL SETTEL FAMILY . GOD FEARING GUY . I BELEAVE IN ALMIGHTY GOD . SEARCING A WELL LIFE PARTENER WELL SETTLE FAMILLY FROM BIHAR OR OTHER STATE FROM MY WORN CAST.”

Et on comprend d’autant moins pourquoi, en plus de cette hyper-segmentation du marche matrimonial s’ajoute encore aujourd hui l’avis implacable du jyotishi, astrologue charge de consulter les cartes célestes pour y voir si l’homme et la femme sont effectivement, comme ils le croient , promis a un destinée acceptable

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